Après Marcher et courir contre le cancer, voici Marcher et courir contre soi-même...
Trail du Llata - 21km
27 mai 2018, AX-LES-THERMES, ARIÈGE
Ding...
Ding...
Ding...
Ding...
Ding...
Ding...
Ding...
Ding...
Ding... "C'est parti !"
C'est parti, c'est parti... Allez !
Qu'est-ce que je fais là ?..
Go !
Ok, mes bâtons ne tiennent pas de façon stable sur le sac : ils rebondissent et c'est insupportable. Ça fait 10 mètres qu'on est parti, faut déjà que je galère pour les décrocher.
Et j'en fais quoi ? Je les garde, pliés, dans une seule main ? Je les allonge et en prends un de chaque côté pour faire balancier ? C'est ce que m'a conseillé Nico.
En même temps, quelle idée de se lancer dans une course avec des bâtons alors qu'on ne les a jamais utilisés...
On n'est qu'une quarantaine à quitter la place du Casino, mais dans les rues étroites d'Ax-les-Thermes, on se suit bien sagement à la queue leu leu (certains se payant même le luxe d'insister pour laisser passer les autres en premiers sur la passerelle qui traverse le cours d'eau).
On part à une allure tranquille et c'est ce qu'il faut. La course commençant par un kilomètre vertical, pas la peine de s'essouffler avant.
Pourquoi ai-je besoin de me faire du mal comme ça ?
Depuis que je me suis réveillé, à 6h, je sens que je ne suis pas en forme.
J'étais endormi dans la voiture (c'est pas bien).
J'étais endormi en arrivant à la course.
Je suis endormi en commençant la course.
Mais où sont les sensations ?
Où est le plaisir de courir ?
À quoi bon ?
Le début de la montée arrive très rapidement. Après avoir tourné à quelques coins de rues, les chemins en terre apparaissent.
On entame par une bosse qui sera en fait suivie d'un peu de plat ; c'est toujours bon de prendre connaissance des tracés avant la course, afin d'éviter au maximum les mauvaises surprises — qui risquent de plomber le moral et mettre les bonnes sensations de course en péril — pendant l'effort. Pas la peine donc de trop s'emballer.
C'est le départ de la course, les jambes ont besoin de se réveiller — comme d'habitude je ne me suis pas échauffé avant de partir ; il y a bien assez de temps, lorsqu'on part pour plus de vingt bornes, pour se mettre en route et trouver son rythme, les performances canons attendront —, chacun double où il peut, quand il peut, les allures et les dépassements ne sont pas encore cohérents avec une quelconque stratégie de course.
On sent qu'on peut aller plus vite que celle ou celui devant ? Alors on fonce ! On lui passe devant !
Aujourd'hui on oublie le délire de l'effort aérobie.
Dans l'idée c'est intéressant : on ne puise que dans les ressources grasses, pas dans les sucres rapides. On privilégie une source presque infinie dans le corps plutôt que de compter sur une ressource rapide à réapprovisionner régulièrement.
Pour ça on se fie au rythme cardiaque, on calcule un seuil limite à ne pas dépasser : 180 - l'âge (avec quelques ajustements en fonction de la forme physique actuelle). Tant qu'on est en-dessous, on puise dans les stocks donc on peut courir sans se ravitailler énergétiquement.
Tout ça c'est gentil, mais il faut effectuer une transition nutritionnelle et s'entraîner un moment avant de retrouver la même allure de course (ce qui n'est pas sans me rappeler le passage à la course en minimalistes).
Les tests que j'ai faits la semaine précédent la course ont été tristes niveau vitesse. L'impression de courir au ralenti.
En effet on peut courir longtemps. Mais on risque de s'endormir en route.
Là on est en course, je me donne sans réfléchir !
Les chocs sont ressentis violemment par le corps et l'esprit. Il faut fournir un effort pour faire avancer les jambes alors que d'habitudes elles tournent toutes seules.
Le rythme n'a pas le temps de s'installer avant que se dressent les 900 mètres de dénivelé positif de la principale difficulté du jour.
Là on ne part pas pour une petite côte de 100mD+. Pas question de courir en montant (comme à Reyrevignes). Les bâtons, bien qu'on ne sache pas toujours quoi en faire sur le plat, devraient être d'une aide précieuse.
Tout le monde n'aborde par l'effort de la même façon.
La plupart de ceux qui sont venus sans bâtons continuent de courir le plus longtemps et souvent possible, ceux qui ont des bâtons ont plutôt tendance à monter à leur rythme de manière régulière, en s'aidant de ces deux appuis supplémentaires de luxe.
C'est déprimant de voir passer les gens avec autant d'aisance. Mais quand il n'y a pas de jus dans le moteur...
Je les laisse donc volontiers passer. Ce n'est pas parti pour être mon jour, finir la course sera déjà un exploit en soit.
Si on s'en réfère à l'évaluation des trails de l'ITRA (International Trail Running Association), terminer cette course rapporterait 1 point.
En effet, les organisateurs annoncent 21km et 1260mD+ : 21 + 1260/100 = 33,6 points d'effort, on est entre 25 et 39, on a donc le droit à 1 point ITRA !
(dans le cas d'une course certifiée, ce qui n'est pas le cas pour le Trail du Llata)
À titre de comparaison, pour pouvoir participer au tirage au sort de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) — l'ultra légendaire du trail, qui fait le tour du massif du Mont-Blanc à travers France, Italie et Suisse, avec plus de 170km en distance et 10km en vertical, 19 heures pour les plus rapides —, il faut avoir obtenu 15 points ITRA en trois courses maximum lors des deux dernières années ; une course rapportant au maximum 6 points ITRA, si tant est qu'on atteint un nombre de points d'effort supérieur à 190 : soit 120km et 7000m de dénivelé positif "par exemple".
Donc ce n'est pas grand chose, mais c'est un petit pas vers le monde des ultra-runners !
Je parle de finir... mais est-ce que je vais finir ? Vais-je mériter 1 point ITRA ?
L'envie d'abandon m'envahit dans la montée.
Pourquoi ne pas s'arrêter au col ? Profiter de la vue ?
Il y a un point de ravitaillement en haut, ils devraient pouvoir me redescendre.
Je suis sur ma première expérience de KV (pour kilomètre vertical), est-ce vraiment la peine de le coupler à un semi-marathon ?
Je n'ai pas la foi de courir (ni même de trottiner) lorsque la pente s'adoucit ou que ça redescend gentiment sur quelques mètres.
Ce n'est pas que je n'en ai pas l'envie, ces sentiers m'appellent à courir, ils vendent du rêve, je me dis qu'il faut que je revienne en profiter en courant !
Mais la tête n'y est pas.
Je sais que l'ascension va être longue, pas question de brûler de l'énergie à tout va et de brouiller le rythme.
Encore moins de chopper un point de côté.
Et pourtant c'est ça que j'aime ! Varier les rythmes ! Monter, descendre, repartir, enchaîner, changer de physiologie de terrain ! Chaque changement de rythme est un nouveau départ et redynamise la course !
Mais non. Là on se concentre sur monter et on attend que ça passe...
Je lance de temps en temps un coup d’œil à la montre. Quand elle détecte que je suis entrain de prendre de l'altitude, elle affiche directement les données liées à l'ascension. En particulier, la vitesse verticale : je suis autour de 800-850m à l'heure.
Tiens, je la surprends à 1000m ! La folie ! Serais-je entrain de monter à un bon rythme ?
Ça me donne le sourire quelques instants.
L'idée d'abandon est toujours présente.
Ce sera très bien comme ça.
Je me suis levé tôt, j'ai grimpé 1000 mètres, j'ai bien mérité de m'arrêter et me reposer. Pas la peine de courir plus.
Se faire du mal d'accord, mais pas la peine de trop en faire non-plus.
On a déjà croisé pas mal de bénévoles. C'est l'occasion de les remercier, de sourire — ou pas ? — sur les photos prises dans une partie raide qui remonte à la route — est-ce un hasard ? —. Il y a même un ravitaillement d'eau dans la montée !
Cet accompagnement fait plaisir.
Petit à petit je me réveille à nouveau. Un second réveil, le bon cette fois. La moitié de l'ascension est faite, il était temps !
Les choses commencent à sentir meilleur.
La suite de la course s'éclaircit.
Plus le temps passe, plus on est proche du sommet, c'est fou non ? Finalement cette montée a l'air de se faire toute seule, petit à petit.
Soudain, on atteint la lisière de la forêt.
Les arbres laissent la place à l'herbe.
Et au brouillard.
On est dans un p*tain de nuage !
On a changé le décors mais la pente ne s'adoucit pas pour autant. On peut discerner les coureurs devant à travers la brume : moins on les voit, plus ils sont loin. Ça fait un joli dégradé de silhouettes.
C'est ça le col de Joux ?
C'est pas un col : c'est un nuage !
Que nenni la vue !
La suite de la course n'est pas du tout éclaircie en fait !
Qu'est-ce que j'ai raconté moi ?!
Le sommet du tracé, auquel sont placés un pointage avec barrière horaire à 11h — qui n'a apparemment pas été appliquée ! — et un ravito, n'a pas sur nous l'effet qu'il a dû avoir pour les coureurs qui nous ont précédé il y a quelques minutes.
C'est la double peine : la montée est plus longue et la récompense moins belle ! Les photos en témoignent : les premiers coureurs sont passés en haut d'un col bien dégagé.
Pour nous, les exclamations des personnes présentes sont on ne peut plus explicites : "On n'y voit plus rien !", "Attention y'en a qui arrivent là ! Prends les photos !", "Eh beh, c'est fou ce brouillard soudain !".
Y'a de quoi prendre un petit coup au moral là.
Et pourtant ça ne m'atteint pas. L'effort que je viens de fournir pendant 1h25min m'a shooté l'esprit — et le corps un peu quand même- et je ne réalise pas.
Je bois un peu d'eau. Comme d'habitude je m'asperge la figure. Je croque dans deux quartiers d'orange. Je suis prêt pour repartir !
On enchaîne avec une bonne descente : peut-être 10 kilomètres non-stop avant d'atteindre le fond de la vallée.
Et alors là c'est une autre course qui commence.
Quel bonheur de se laisser aller !
Je dévale la pente, les jambes me portent toutes seules, le pas est léger sur la terre meuble et dans les pommes de pins.
Je rattrape ceux qui, arrivés avant moi, ont moins profité du ravitaillement pour se dépêcher de repartir.
Le début de la remontada ?
Je double Thierry (ce n'est pas le Thierry de Reyrevignes !).
Lorsque j'arrive à sa hauteur, Marquesia s'exclame "Ah ! Je vois qu'il y a des spécialistes de la descente !".
Je ne sais pas si je suis un spécialiste, mais je sais que je kiffe mon moment.
Je lui réponds que là il faut juste se laisser emporter par la descente, que le plus dur est fait.
Oups ! Une de mes flasques est sortie de sa poche ! Elle a dû dévaler une bonne dizaine de mètres en glissant sur les épines au sol.
Ça casse la monotonie de la descente.
Ayant oublié sa montre en partant au petit matin, Marquesia me demande le kilométrage au lacet suivant : on a passé les 10 kilomètres.
Et on en est à la moitié.
Tout compte fait, il se pourrait que la course soit faisable.
C'en est pratiquement fini du dénivelé positif, on a parcouru la moitié de la distance, 10km n'ont jamais tué personne !
Maintenant qu'on a passé tout ça, ce serait dommage de s'arrêter. Il faut en finir au plus vite !
Mais la bonne humeur ne dure pas longtemps. Les pommes de pins laissent la place aux cailloux.
Et là c'est le drame.
Courir en minimaliste, aussi plaisant cela puisse-t-il être, laisse les pieds désarmés face à la caillasse.
Ça va être interminable. Interminable de cailloux.
On sort un peu la tête des arbres, la vue se dégage sur la droite alors qu'on passe une cabanette sur la gauche. Pas le temps de lire son nom, faut croire que je cours trop vite !
(ou juste que je ne porte pas mes lunettes...)
C'est une section de 2km sans pratiquement aucune courbe.
Mais surtout : plus de balisage !
Serait-ce ça l'expérience la plus désagréable en course ? Se retrouver soudain en plein doute : aurait-on, pendant un instant d'égarement, loupé une balise ? Serait-on entrain de courir hors-parcours, et donc : pour rien ?!
D'habitude les balises qui indiquent de changer de chemin sont très visibles. Là j'ai machinalement suivi la piste sans me rendre compte de quoi que ce soit.
J'aperçois un sentier qui ferait un excellent chemin de trail à quelques mètres un peu plus bas sur ma droite. C'est là qu'il faut courir ? Ça parait tout indiqué !
Mais pas de balises visibles là-bas non-plus...
Mais pas de lunettes pour bien y voir...
Personne en vue devant. Personne ne revient sur moi derrière ! Personne autour pour se rassurer que c'est bien là la course...
Et bon sang toujours pas de balise !
Au bout de 7 kilomètres de descente (-600m), je m'accorde une pause au passage canadien. Je ferais bien un arrêt toilette mais le temps que je perds à hésiter, tout en reprenant un peu mon souffle, me parait déjà trop de temps de perdu.
Thierry passe, mon visage ne doit pas laisser transparaître beaucoup d'énergie.
Je le regarde s'éloigner.
Je repars.
Ça reprend avec quelques petits lacets.
On passe devant un ravito liquide où des jeunes écoutent de la musique. Bonjour !
Toujours des cailloux.
Je me demande si il y a un côté de la piste où ils sont moins présents, plus praticables.
On dirait pas.
On quitte la partie boisée.
Nouveau décors.
Prairies.
Un village vacance apparaît sur la droite, c'est le retour à la civilisation. Il faut dire que ça faisait un moment qu'on était dans la nature, sans voir d'autre trace humaine que la piste aménagée dans le bois et les balises du GR107 sur les arbres.
Des signaleurs me demandent si il reste du monde derrière, je n'en ai aucune idée. Il reste des gens, mais je ne sais pas combien. Beaucoup de coureurs et coureuses me sont passées devant, je n'ai pas doublé grand monde, mais je ne saurais dire alors je réponds "C'est pas impossible !".
Le temps que mon cerveau y réfléchisse un peu, ils ont dû se dire que je me croyais un peu trop bien classé : il n'y avait que 7 personnes derrière moi.
Je me retrouve au milieu de familles qui randonnent. Les enfants m'encouragent au passage. C'est avec un grand sourire que je les salue, les remercie, leur souhaite une bonne journée ! (il y a maintenant un bon soleil)
La course longe un cours d'eau. J'en profite pour me rafraîchir les pieds 15 secondes dans un des "affluents".
Instant bonheur, détente, relax. Je pourrais y rester, tant pis pour la course.
Mais il faut repartir. C'est agréable mais rester les pieds dans l'eau ne me fera pas finir la course.
Avant le pont qui traverse l'Oriège : pointage. On rejoint le parcours de la Course des 3 Villages.
Au ravito c'est la formule classique : un verre d'eau ingurgité, un verre d'eau dans la figure, et un quartier d'orange dans les dents.
"Bravo, il vous reste environ 3-4 km !"
Attends... On en est déjà presque à 20 et ils en annonçaient 21 au départ !
Ça c'est le genre de mauvaise surprise pas bonne pour le mental !
(surtout qu'il en reste en fait 5)
Mais bon, j'avais regardé le tracé et je sais qu'il reste un bout de chemin à faire quand on arrive à la dernière côte... Ça fait un moment que j'ai capté qu'on ferait plus de 21km et ce n'est donc pas une surprise (contrairement à d'autres qui, voyant les kilomètres défiler sur la montre, n'ont pas forcément apprécié ces quelques mots de réconfort..).
Delphine revient sur moi. Lorsque les bénévoles lui annoncent que la course est bientôt finie, elle répond qu'elle connait cette côte, y'a pas de soucis.
Elle est reconnue par les locaux (presque ils prendraient le temps de se faire la bise !).
Après avoir manqué de repartir dans le mauvais sens sur l'autre parcours, je lui emboite le pas.
On arrive vite au pied de la montée où on échange quelques mots et sourires. Ce sont les derniers mètres à gravir, le dernier effort à fournir ; on le sait, on s'encourage.
Aidé par mes bâtons, je prends la tête.
Je fais la montée tranquillement. On y met ce qui reste, le plus dur est derrière.
Ici ça n'a rien à voir avec ce qu'on a affronté au départ : quelques 200 mètres à gravir.
500m plus loin, c'est le sommet, ça redescend tranquillement.
C'est plat.
EN FAIT C'ÉTAIT PAS LA FIN DE L'ASCENSION !!!
Il reste 50 mètres de montée !!!
Décidément !
Quand on croit être sauf...
Peu après avoir basculé, on arrive aux derniers ravito et pointage. Je ne crois pas m'être arrêté. Il reste pas grand chose. Vite qu'on en finisse !
Je me dis que je dois avoir l'utilisation de bâtons et dragonnes la moins conventionnelle au monde.
Tant dans la montée que dans la descente.
J'ai testé des choses un peu comme ça venait.
J'avais lu quelques conseils : bâtons plus courts dans la montée, plus longs dans la descente, utilisation différenciée en fonction de la pente en montée (un bâton planté tous les n pas, à chaque pas, les deux à la fois).
Je crois m'être surpris à ne pas respecter ces simples recommandations...
Je n'avance plus.
Je cours au ralenti, essayant d'économiser mes pieds comme je peux. Ce qu'il en reste en tout cas.
En me doublant, Delphine m'encourage : le plus dur est fait, il ne reste qu'un petit bout de descente !
Oui mais mes pieds ont trop descendu dans les cailloux.
Mon talon gauche cogne de plus en plus souvent. À chaque fois c'est le supplice. Je ne sais toujours pas si il y a une explication mécanique à sa fragilité, mais il souffre plus que son homologue droit.
Un peu plus loin je la vois boire dans un abreuvoir au bord du chemin.
Je me dis que c'est chouette !
Moi aussi j'aimerais bien boire dans des abreuvoirs pendant mes trails !
Mais là j'ai bien assez d'eau avec moi, j'ai pas spécialement soif, et il faut se concentrer sur en finir.
Et puis quand la montre est allumée, c'est difficile de se permettre de profiter tout simplement. Tout le monde va voir la trace sur Strava, il faut que la performance soit la meilleure possible !
Les pieds profitent d'un faux-plat montant pour me dire stop.
Y'en a marre des cailloux.
Je les comprends, j'en ai marre des chocs.
Maintenant c'est soit on marche, soit c'est fini.
Je marche.
Qu'est-ce qu'on fait pas quand même...
Pourquoi maltraiter ses pieds sur des cailloux pendant trois heures ?..
Y'a plus rien d'autre à faire que marcher.
Je finirai bien par arriver à Ax.
Marie arrive à ma hauteur "Tu m'as complètement larguée dans la descente du Joux, alors là tu continues !".
C'est vrai que je l'avais aperçue juste derrière moi en arrivant au col. Et c'est vrai que je me suis bien donné dans la descente.
Mes jambes s'élancent à nouveau.
Je reviens à sa hauteur.
Je prends de la vitesse.
Je m'amuse à nouveau à sauter dans la descente. Je n'aurais jamais cru que j'en étais capable.
Je me retourne, Marie ne suit pas.
J'ai envie de m'excuser.
En m'encourageant, elle a perdu une place au classement qui lui tendait les bras ! (même si vu notre performance du jour c'est anecdotique)
Ça aurait été sympa de finir ensemble.
Mais je prends de plus en plus de distance, sors du bois.
Les maisons poussent le long de la route bitumée.
La descente est raide, j'y lance mes jambes ! Plus rien ne les arrête !
On revient sur le tracé du départ.
Les bénévoles nous accueillent dans Ax. Ils arrêtent les voitures pour nous laisser traverser les routes sans ralentir.
Pas la peine de rallumer le cerveau, on se laisse guider par les balises, barrières, et autres cris d'encouragement.
Tout va très vite maintenant.
"Vas-y ! Un peu sur la gauche et tout droit !" "Merci !"
"Bravo ! Tu y es !" "Merci !"
En effet j'y suis.
Les derniers mètres de descente vers la place du Casino.
Les gens qui sont éparpillés autour du chapiteau.
Le speaker lit mon numéro sur le dossard et annonce mon nom.
Je souris.
Je ne lève pas les bras.
J'en suis venu à bout.